Visibilité
Le terme « visibilité » n’a pas de sens univoque.
Son emploi recouvre deux domaines : il peut porter sur la vision humaine
ou sur des capteurs optiques ; d’autre part, il peut être intransitif
(« la visibilité est bonne ») ou transitif (« on voit mal les
moutons là-haut »). Dans tous les cas, son emploi implique une ambiguïté,
qui peut être levée de plusieurs manières :
- Par l’emploi d’un terme supplémentaire. Ainsi on
parlera de visibilité structurelle, de visibilité météorologique, de visibilité
géométrique, etc. On se réfère explicitement à une définition précise.
- Par la nature des interlocuteurs : lorsqu’ils font
partie du même domaine technique ou académique (par exemple, deux ingénieurs
éclairagistes, ou deux spécialistes de traitement d’image), le contexte
implicite est celui de leur discipline, ce qui lève, en pratique, les
ambiguïtés.
L’emploi du terme « visibilité » est donc adapté
aux discussions entre spécialistes, mais conduit à des incompréhensions dans
les discussions avec des profanes ou avec d’autres disciplines.
On propose ci-dessous des définitions synthétiques
correspondant à des expressions précises. Certaines définitions prennent sens
par des oppositions : dans ce cas, les deux termes sont présentés
ensemble. On cite également ensemble des termes qui sont synonymes mais
employés dans des contextes différents.
Visibilité photométrique/de cibles [psychophysique,
éclairage] : En psychophysique, la visibilité est définie comme une probabilité
de détection d’une cible (en général, un disque) sur un fond uniforme. Le
protocole expérimental le plus classique utilise le contraste de luminance
comme variable indépendante. La position de l’observateur, le temps de
présentation, la taille angulaire de la cible, la luminance d’adaptation (en
l’occurrence, la luminance du fond) sont fixés. L’observateur est attentif et
n’a pas d’autre tâche que de répondre à la consigne, qui consiste à indiquer
s’il a vu la cible. La variable indépendante est reliée à la variable
dépendante (le taux de succès de l’observateur) par une courbe psychophysique.
On définit à partir de cette courbe un seuil de visibilité, en général
celui pour lequel le taux de succès est de 50%.
Distance/seuil de visibilité [conception
routière, signalisation, aides à la conduite]: Dans les applications routières,
l’approche par un seuil de visibilité est parfois remplacée par une distance de
visibilité. Au niveau du protocole expérimental, le contraste est alors figé (à
une valeur élevée) et c’est la distance entre l’observateur et la cible qui
varie. La courbe psychophysique donne alors le taux de visibilité en fonction
de la distance. Cette distinction entre seuil de visibilité et distance de
visibilité est plus générale que l’exemple qui vient d’être donné, mais son
fondement est toujours le même.
Niveau de visibilité [vision, éclairage] : le
niveau de visibilité est le rapport entre le contraste d’un objet par rapport à
son fond proche observé en situation « réelle » et le seuil de
visibilité de ce même objet dans les mêmes conditions d’observation. Cette
notion est issue d’un modèle qui fait référence en éclairage public, pour
spécifier le niveau de visibilité satisfaisant pour la tâche de conduite. En
effet, le seuil de visibilité n’est pas pertinent pour une tâche de conduite
réelle, qui est bien plus complexe que la tâche visuelle de référence utilisée
dans les expériences psychophysiques de laboratoire. La plupart des
publications en éclairage routier retiennent un niveau minimal de VL=7 (VL pour
Visibility Level).
Visibilité diurne/nocturne [éclairage] :
l’éclairage public et automobile sont principalement destinés à pallier le
manque de visibilité routière la nuit ; les feux de véhicules peuvent être
utilisés de jour dans certaines conditions (feux anti-brouillard, codes de
jour, feux stop, etc.). La visibilité
routière n’est pas la seule fonction de l’éclairage urbain, qui a également un
rôle d’aménagement urbain, d’illumination, etc.
Visibilité
géométrique/topographique
[conception routière] : Ces termes sont équivalents. Ils désignent le fait que
les objets ou évènements susceptibles de présenter un risque, présents sur la
chaussée ou sur les abords, puissent être vus par l’automobiliste. Les termes «
géométrique » et « topographique » mettent l’accent sur le fait que le seul
paramètre pris en compte dans cette définition est le masquage par des
obstacles physiques (relief, bâtiment, etc.). Cette notion doit se comprendre
de jour par temps clair ; elle est souvent exprimée sous la forme d’une distance
de visibilité géométrique : la plus grande distance à laquelle un objet sur
la chaussée serait visible.
Triangle de visibilité [conception routière] :
dans le dimensionnement d’un carrefour plan, on définit le triangle de
visibilité à partir de deux « courants » (c’est-à-dire les deux
routes qui se croisent). Ce triangle est défini par trois points : le
point d’observation (sur la route non prioritaire) ; le point de
conflit ; et un point éloigné sur la route principale (point observé). Le
principe de dimensionnement est que dans ce triangle de visibilité, il ne faut
pas d’obstacle à la vue (dégagement de visibilité).
Visibilité mutuelle [conception
routière] : on désigne ainsi, notamment en intersection, le fait que deux
automobilistes dont les trajectoire sont susceptibles de se couper puissent se
voir mutuellement. C’est une notion directement liée à la visibilité
géométrique, autrement dit à l’absence de masquage physique.
Visibilité offerte/requise [conception
routière] : la notion de visibilité requise se réfère à des seuils de
visibilité, définis dans des documents de référence (réglementation,
recommandations, etc.) pour le dimensionnement des routes. Par rapport à cette
référence, la visibilité « offerte » est la valeur qui est
effectivement réalisée dans le projet routier, et qui doit être comparée à la
valeur requise.
Visibilité structurelle/conjoncturelle [conception
routière] : cette distinction se réfère à la visibilité routière de jour, par
temps clair (visibilité géométrique), en distinguant selon que les masques à la
visibilité sont permanents, comme peut l’être un bâtiment (visibilité
structurelle) ou temporaires, comme peut l’être un véhicule arrêté ou, à une
échelle de temps différente, la végétation (visibilité conjoncturelle).
Visibilité pour un capteur [analyse d’images] :
cette expression désigne, de manière condensée, un aspect de la qualité de
l’information délivrée par le capteur dans un environnement donné. Un capteur
est caractérisé, les réglages étant fixés, par une certaine sensibilité
vis-à-vis du signal d’entrée : pour qu’un contraste dans la scène soit
traduit par une différence non nulle (ou par une différence qu’il est possible
de distinguer du bruit de fond), il faut que le contraste d’entrée du capteur
soit supérieur à un certain seuil. Dans le cas général, on peut assimiler le
contraste d’entrée du capteur au contraste réel entre l’objet et le fond sur
lequel il se détache. Mais dans certains cas (pluie, brouillard, éblouissement)
des perturbations optiques viennent atténuer le contraste mesuré. Dans ces
conditions, le seuil de visibilité du capteur augmente. La connaissance du
seuil de visibilité du capteur permet de définir son domaine d’usage,
c’est-à-dire les situations dans lesquelles son utilisation est pertinente, et
celles dans lesquelles il ne pourra pas détecter des contrastes objet/fond
pourtant significatifs.
Visibilité atmosphérique/météorologique [photométrie,
conception routière, analyse d’images] :
la visibilité météorologique est
définie par la CIE d’une manière qui n’est
pas opérationnelle comme « la plus
grande distance à laquelle on peut distinguer un objet sombre de
taille
convenable se détachant de jour sur le ciel à
l’horizon ». Cette définition peut être
rendue opérationnelle en précisant les conditions
expérimentales, ce qui la rapproche alors de la
visibilité de cible. En fait, son usage est différent :
cette notion est principalement utilisée pour traduire
l'opacité du milieu atmosphérique (e.g. du fait du
brouillard) d'une manière imagée mais plus parlante quele coefficient d'extinction.
Visibilité relative [analyse d’images] : La
visibilité relative est le rapport entre la visibilité actuelle (quelle que
soit sa définition) et une visibilité de référence, de jour par temps clair,
selon la même définition. Cette notion a été proposée dans le contexte de
l’analyse d’images routières, mais elle peut être étendue à d’autres domaines.
Visibilité mobilisée/mobilisable [aides à la
conduite] : dans le contexte des aides à la conduite, on définit la visibilité
de manière intransitive comme la visibilité pour le capteur (visibilité
mobilisable). La visibilité mobilisée est alors, pour ce même capteur, celle de
l’objet détecté le plus éloigné.
Fonction de visibilité [images de synthèse] :
on désigne par ce terme en synthèse d’images, dans le domaine du rendu visuel,
le fait que deux surfaces soient mutuellement visibles, c’est-à-dire qu’il n’y
ait pas de masque entre elles. Cette fonction est notamment utilisée dans les
calculs de radiosité (illumination globale) pour calculer les échanges lumineux
entre deux surfaces, ou entre une source lumineuse et une surface.
vocabulaire polysémique